Vingt-quatre battements et silence
Dìmitra Christodoùlou
Traduit par Michel Volkovitch
2021— 136 pages — 12 €
ISBN : 979-10-93103-83-9
Les premiers recueils de Dìmitra Christodoùlou sont irrigués par une sève légère, la nature est là dans sa profusion et sa gloire, aimée pour elle-même sûrement, mais aussi prise comme métaphore du réel en ce qu’il a de plus tangible et précieux. La fusion avec la mère Nature et l’extase panthéiste ne sont pas loin. Il y a dans ces pages une fraîcheur, une ivresse rares.
Puis la célébration joyeuse est gagnée, peu à peu, par la désillusion et l’amertume. Le lyrisme lumineux recule face aux idées sombres. Le monde apparaît désormais plein de bruit et de fureur. La terre si rassurante naguère s’efface devant le vide et la froideur du ciel et des étoiles. La mort approche, et pas seulement la nôtre : on sent planer l’ombre de
l’apocalypse. La fameuse crise, dans les recueils les plus récents, ne va certes rien arranger, mais cette lente invasion de la douleur est apparue avant.
Et pourtant, malgré sa mélancolie, la poésie de Christodoùlou va conserver — avec ses vers plutôt courts, denses, dansants, la hardiesse pétillante de ses images — une bonne part de son côté allègre d’autrefois. Quoique méditative, elle garde fermement le contact avec la sensation, le quotidien jusque dans ses plus humbles aspects, la chair des choses et des mots.
Publié avec le soutien du Centre culturel hellénique.
Perséphone
Pendant tout ce printemps sans fin
Tu entendras le grondement de la verdure,
Qui descend les pentes et déroule
Ruisseaux, bruyères et bêlements.
Lisse et fraîche elle passe comme une robe
Sur le corps d’une très jeune fille,
À l’heure où l’évadé lui plante
Le couteau dans la gorge.
Le sang coule jusqu’à l’été. Son soufre
Fait crever les herbes. Çà et là
Gisent des lambeaux de sa robe que traîne
Un soleil inconsolable.
Mais lorsque les premières pluies
Se mettront au balayage des feuilles,
Quand seront à point raisins et châtaignes,
Quand l’hiver, en quelques pelletées,
Couvrira les aiglons jusque dans leur nid,
La verdure emmitouflée sous la neige
Poussera de nouveau ses profonds soupirs.
Pour le passage d’une douleur chaude
Sur sa douce poitrine,
Pour un bras s’enroulant à sa taille,
Un plaisir éphémère.