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L’autre ennemi

Elissàvet Chronopoùlou

 

Traduit par Hélène Zervas & Michel Volkovitch

 

2022 – 56 pages – 12 €
ISBN : 979-10-93103-91-4

 

En Grèce, le passé ne passe pas. Les années les plus noires du pays ne cessent de hanter les livres qu’on écrit là-bas, aujourd’hui encore, même quand leurs auteurs ne les ont pas vécues. L’Occupation allemande, qui fut plus terrible encore que chez nous — des milliers d’Athéniens moururent de faim —, est décrite ici par Elissàvet Chronopoùlou, née quinze ans après, avec une précision si terrible qu’on croirait qu’elle y était.  
Les désastres de la guerre — la faim, la mort, l’humiliation—, chaque histoire en éclaire une nouvelle facette, nous fait quasiment toucher, flairer toutes ces douleurs ; la mort nous colle aux doigts, littéralement. Mais le pire, c’est le désastre en nous-mêmes. L’ennemi qui occupe le pays s’en ira un jour, mais les dégâts provoqués en nous par la guerre, eux, resteront. L’autre ennemi, le plus terrible, est au fond de nous : c’est la peur qui nous ronge, la souffrance qui nous rend insensible à celle des autres, la « régression collective », le « retour à l’animalité ». Nous voyons là des êtres humains en danger de perdre leur qualité d’être humain.

Les éditions du Miel des anges sont soutenues
par le Centre culturel hellénique
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J’ai enveloppé grand-mère dans son drap, l’ai soulevée, elle ne pesait rien du tout, et l’ai posée sur la couverture. On l’a enveloppée dedans, ce qui a formé un ballot allongé qu’on a lié avec de la ficelle. Peu après minuit j’ai pris le ballot sur l’épaule et guidés par Filìtsa nous sommes sortis dans la rue obscure.
Le quartier à cette heure-là était plongé dans son sommeil affamé, fenêtres fermées, vitres couvertes de papier, personne ne pouvait nous voir. On craignait seulement de tomber sur une patrouille à l’affut de ceux qui circulaient malgré l’interdiction, mais les patrouilles ne dépassaient pas le Champ de Mars, et nous ne sommes pas allés par là, nous avons suivi le chemin de terre parallèle au torrent vers les baraquements des réfugiés.


 

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