L’R d’Éros
Odyssèas Elytis
Traduit par Michel Volkovitch
2016 — 124 pages — 12 €
ISBN : 979-10-93103-45-7
En 1972, à soixante ans, Odyssèas Elytis est reconnu en Grèce et ailleurs comme l’un des poètes majeurs de l’époque. Il va bientôt recevoir le Nobel. Et voilà que cet imposant poète, apparemment voué aux compositions les plus sérieuses, publie un recueil de chansons !
Pas des poèmes, des chansons : c’est lui-même qui le souligne dans sa petite préface. En fait, tout est petit dans L’R de l’Éros : petites strophes, petits vers très courts, on dirait des comptines, des berceuses, des fabulettes, dont les jeux sonores (rimes ludiques, onomatopées rigolotes) rappellent eux aussi les petits poèmes pour petits enfants. D’où l’étonnement des spécialistes, qui commentèrent l’objet incongru avec une condescendance un peu gênée.
Pourtant, il suffit de se pencher sans a priori sur ces miniatures pour y retrouver tout entier, non pas sans doute l’Elytis des grandes fresques lyriques ou héroïques, mais l’autre, l’amoureux de la nature grecque, des îles et de la mer sous le soleil, de la Femme surtout — de tout cela dont il vécut émerveillé, illuminé.
Publié avec le soutien du Centre culturel hellénique
et du Centre national du livre.
La cycliste
En bord de mer j’ai marché sur la piste
que parcourait tous les jours la cycliste
J’ai retrouvé les fruits de son panier
Le bracelet tombé de son poignet
J’ai retrouvé sa sonnette son châle
sa roue avant son guidon sa pédale
Et sa ceinture aussi et une pierre
telle une larme on voyait au travers
J’ai ramassé son fourbi pêle-mêle
et me disais où est-elle où est-elle
Un autre jour je l’ai vue à vélo
qui passait sur la mer sans toucher l’eau
Puis à la nuit tombante au cimetière
j’ai vu au ciel s’allumer ses lumières